Nous avons commencé cette retraite par la louange qui permet de relier le don de la création à celui qui en est le donateur. Par là nous découvrons que nous sommes, non pas des propriétaires mais des dépositaires. La création nous est confiée, nous la recevons gracieusement de celui qui en est l’origine et l’auteur. Le livre de la Genèse pourrait pourtant se prêter à une interprétation différente lorsque nous lisons : « emplissez la terre et soumettez-la ». Comment comprendre cette parole de Dieu qui pourrait sembler donner droit à des comportements aux effets néfastes sur notre environnement ?
Une première lecture de la Genèse peut laisser croire que l’homme a reçu tout pouvoir du Père sur la Terre, pour agir selon son bon plaisir, en monarque absolu. L’homme n’aurait qu’à puiser sans compter dans les ressources à sa disposition, s’affranchissant de toute contrainte, puisqu’il a été créé pour cela. Le pape François nous alerte cependant pour éviter cette interprétation trop rapide.
Les créatures de ce monde ne peuvent pas être considérées comme un bien sans propriétaire : « Tout est à toi, Maître, ami de la vie » (Sg 11:26). D’où la conviction que, créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble. Je veux rappeler que « Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun et nous pouvons nous lamenter sur l’extinction d’une espèce comme si elle était une mutilation »
Pape François Laudato Si § 89
Dieu, Juste et Sage, a créé l’homme à son image. L’homme est ainsi invité à régir la création comme Dieu lui-même la gouverne. Il ne doit pas utiliser la liberté et le pouvoir reçus du Père pour agir en prédateur vorace qui épuiserait son environnement avant de partir un peu plus loin :
« L’homme ne doit pas oublier que sa capacité de transformer et en un sens de créer le monde par son travail s’accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu. Il ne doit pas disposer arbitrairement de la terre (mais aussi de son corps, de la création) en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n’avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a données, que l’homme peut développer mais qu’il ne doit pas trahir ».
Compendium de la doctrine Sociale de l’Eglise § 460
Le récit de la création ne fait pas seulement état de la supériorité de l’homme sur la création, il rappelle que Dieu lui confie une responsabilité vis-à-vis d’elle. « Le Seigneur Dieu prit l’homme et il l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gn 2,15). Ces deux verbes sont d’un tout autre ordre puisqu’ils nous montrent l’homme comme intendant de la création. L’homme doit avoir le souci de maintenir (au sens de soigner, entretenir, rendre fertile) au cours du temps cette création qui lui est confiée.
Agir en véritable intendants de la création, c’est considérer tous ses aspects, tant le développement matériel et spirituel de l’homme – car l’homme fait partie intégrante de la création – que la préservation de la nature et la bonne gestion des ressources. Si l’homme et la nature ont une communauté de destin, c’est à l’homme qu’il appartient de maintenir l’intégrité de la création et de la parachever en l’humanisant.
La responsabilité à l’égard de l’environnement, patrimoine commun du genre humain, s’étend non seulement aux exigences du présent, mais aussi à celles du futur :
« Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous, et nous ne pouvons-nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir ».
Compendium de la doctrine Sociale de l’Eglise § 467
Subvenir aux besoins d’une population qui se multiplie dans un monde fini, voilà un défi à la taille de l’intelligence que le Père nous a donnée.
l’Évangile de Luc nous rappelle que l’homme sera récompensé à la hauteur de sa gestion du patrimoine que le Père lui a laissé en attendant son retour. Il faut donc cultiver la création en prenant garde de le préserver, spirituellement et physiquement, et non la détruire. Jésus nous rappelle aussi que nous serons jugés à la hauteur de ce que nous avons reçu. Si nous avons collectivement reçu la création en garde, la responsabilité est immense. Mais, comme le rappelle la parabole des talents (cf. Mt 25, 14-30), Dieu a également fourni à chacun les dons qui lui permettent de remplir ce rôle avec succès.